Overhype : le coup de pelle qui fait déborder la fosse commune

La presse en général se porte mal. Le nombre de journalistes diminue (il suffit de constater l’évolution de l’attribution des cartes professionnelles), des médias ferment, d’autres voient leur indépendance s’éroder progressivement au fil des rachats dont ils sont l’objet… Le tableau n’est rose pour personne en ce moment, mais il est encore plus désastreux lorsqu’on regarde du côté de la presse spécialisée dans le jeu vidéo. De nombreux magazines ont dû mettre la clef sous la porte (je ne me suis jamais tout à fait remis de la disparition d’IG Mag ni de Games par exemple) et une bonne partie de la presse web cherche à compenser la baisse de ses recettes publicitaires en se lançant dans une course au clic des plus navrante.

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Je ne fais qu’enfoncer des portes ouvertes, le cycle est désormais connu de tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au secteur. Histoire de s’assurer un maximum de trafic, les sites en question multiplient les contenus sur quelques jeux qu’ils décrètent comme étant populaires. De ce fait, ces derniers profitent d’une meilleure mise en avant et suscitent donc davantage d’attente chez les consommateurs. La petite machine s’emballe presque toute seule (ne nions pas totalement les efforts déployés par le marketing) et lorsque le titre est enfin disponible, ces fameux sites n’ont pas forcément intérêt à se désavouer en sifflant la fin de la récrée. Il est plus simple d’encenser le jeu en espérant surfer encore un peu sur la hype. Le lancement d’Overwatch cette semaine nous a offert un beau cas d’école en la matière.

Une sortie transformée en événement (encore…)

Que la sortie d’un jeu se transforme en événement, c’est assez logiquement le but poursuivi par l’équipe marketing chargée de sa promotion. Ils font leur job et je vois mal ce qu’on pourrait leur reprocher. Je commence cependant à tiquer sérieusement lorsque je vois des youtubeurs, ou autrement dit des « influenceurs », s’exciter sur les réseaux sociaux en vue d’une soirée de lancement (celle d’Overwatch, organisée par Webedia, bat visiblement son plein au moment où j’écris ces lignes). Outre l’étrange sensation de surprendre une meute d’adolescentes en train de se pouponner avant de partir au bal de promo, j’ai surtout la désagréable impression que tout ce beau monde s’invente une excuse un peu bidon pour faire la fête en cherchant à oublier le contexte actuel plutôt morose. Mais finalement, si ces fêtards y trouvent leur compte et qu’ils apprécient être transformés en hommes-sandwich au profit d’un éditeur, je veux bien ronger mon frein et reconnaître qu’il serait déplacé de ma part de vouloir régenter leurs petits plaisirs nocturnes.

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Par contre, là où je perds carrément mon sang froid, c’est quand des journalistes ou des personnes supposées tels se complaisent à entretenir cette effervescence, à transformer le non-événement qu’est la sortie d’un jeu en une actualité brûlante. À ce niveau là, le traitement médiatique du lancement d’Overwatch m’a fait l’effet d’une véritable overdose. Passons rapidement sur les brouettes de news sans intérêt qui sont désormais devenues la norme au lancement de chaque grosse production, on ne va pas non plus se moquer de tous ceux qui ressortent le qualificatif de « jeu de l’année » tous les deux mois. Je me permets tout de même d’esquisser un sourire en voyant se multiplier les guides qui viennent nous expliquer les subtilités de gameplay du genre « lorsque vous incarnez un healer, restez près de vos compagnons pour leur venir en aide en cas de besoin… ». Non, j’ai commencé à m’énerver lorsque j’ai constaté que le jeu décrochait un joli 98% sur Metacritic le lendemain de sa sortie.

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Certes, cette moyenne a ensuite progressivement baissé (elle est tout de même encore en ce moment de 91% sur PC), mais pour moi elle est révélatrice d’un poison qui intoxique la presse spécialisée du secteur : un suivisme qui tend au ridicule et se traduit par une uniformisation des contenus éditoriaux. Non seulement tous les avis se doivent d’être homogènes (sinon gare au risque de se prendre une pétition…), mais en plus ils doivent forcément concerner les mêmes jeux. Malheur à tous les titres de moindre envergures qui ont eu l’audace de sortir en même temps qu’Overwatch. Au mieux on les critique en les comparant avec l’étalon du moment, au pire on les écarte purement et simplement de la place publique. Bref, c’est l’esprit critique qu’on assassine. Pour vous expliquer en quoi le traitement d’Overwatch m’oblige à vous sortir d’aussi gros sabots, je vais commencer par vous parler du jeu en lui-même.

Come on Barbie, let’s go party

Ce qui est beau avec Overwatch, c’est que tout le monde ou presque peut avoir une opinion à son sujet puisque sa sortie a été précédée d’une bêta publique donnant déjà accès à l’ensemble de son contenu. Pour les trois du fond qui ont raté le coche, on peut dire tout bêtement qu’il s’agit d’un FPS multijoueur fonctionnant autour d’objectifs bien définis et qui met en scène une vingtaine de classes très différentes. Mais alors, pourquoi ce jeu en particulier a-t-il réussi à faire le buzz ? C’est tout simple, pour le comprendre il suffit de regarder quel est le studio qui se cache derrière son développement : Blizzard est loin d’être un vétéran du FPS mais il a une solide réputation en matière de jeu multijoueur et surtout il se trimbale des cohortes de fanboys obnubilés par le design de ses créations.

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Histoire d’aller droit au but je dirai qu’Overwatch est un titre vraiment sympa, qui se prend vite en main mais qui ne prend pas la tête, le genre de jeu apéritif qui se déguste vite fait avec des potes avant de démarrer la soirée. Son relatif manque de contenu se fait toutefois rapidement ressentir (mais c’est promis, Blizzard va l’étoffer dans les mois qui viennent…) et il ne propose pas une dimension stratégique incroyablement poussée (le simple fait qu’une équipe puisse ressembler à une armée de clones en dit long à ce sujet…). Mais rassurez-vous, en progressant dans le jeu (ou en craquant pour le système de micro-transactions), vous gagnerez le droit de jouer à la poupée en débloquant de magnifiques options cosmétiques. Là où le bât blesse, c’est que de nombreux FPS multi free to play se montrent bien plus généreux dans leur contenu et proposent des systèmes de progression plus valorisants histoire de tenir en haleine leur communauté. Si l’exemple de Team Fortress 2 est parfois revenu sur la table lors des différentes reviews, on s’est étrangement abstenu de le comparer à des free-to-play plus modernes tels que Dirty Bomb pour ne citer que lui. Pour le dire plus clairement, j’ai du mal à croire qu’Overwatch aurait bénéficié du même accueil critique dithyrambique si la presse spécialisée avait fait correctement son travail.

Une presse au raz des pâquerettes…

Agrippez-vous à votre chaise, j’ai une révélation à vous faire : les journalistes spécialisés ne sont pas toujours des experts dans le domaine qu’ils traitent. Je sens bien que la nouvelle vous a ébranlé et que jamais au grand jamais vous ne vous étiez fait cette réflexion en lisant les articles qu’ils pondaient. Respirez un instant pour reprendre vos esprits. Plaisanterie mise à part, de toutes façons vous imaginez bien qu’une personne qui voit défiler des jeux à la chaîne n’a tout simplement pas le temps de tous les explorer en profondeur. Typiquement, les vieux de la vieille, les anciens du milieu, prennent rarement le temps de se poser sur un titre multijoueur, ils sont souvent de cette espèce qui considère encore la dimension multi comme une option un peu cosmétique au même titre que la possibilité ou non d’activer les doublages originaux. Finalement, au sein d’une rédaction, c’est plutôt du côté de la fougueuse jeunesse que l’on trouve les éléments les plus friands de joutes en ligne. Il s’agit de petits jeunes qui ont souvent découvert le jeu vidéo dans les années 2000, ils considèrent que David Cage a réinventé la roue, pensent qu’un Doom ne doit pas proposer un level-design trop labyrinthique et ne cessent de tout comparer aux Moba…

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Attention, ne me faites pas passer pour un type hautain, déjà je reconnais volontiers qu’il y a des professionnels consciencieux parmi tout ce petit monde (et même parfois chez les plus jeunes), et surtout je me considère au moins comme étant aussi mauvais journaliste que la plupart d’entre eux. Moi non plus je n’ai jamais été capable de pondre autre chose que des articles tristement scolaires qui ne faisaient pas franchement avancer la critique en général. Par contre, j’essayais au moins de combler les trous béants dans ma culture lacunaire en me renseignant. J’ai toujours essayé de remettre les jeux dans leur contexte en jouant, même rapidement, à leurs prédécesseurs ou aux autres titres du genre. Aujourd’hui tout cela ne semble plus nécessaire, il suffit de s’appuyer sur trois ou quatre de ces fameux Goty (ou « jeux de l’année » pour ceux qui seraient en froid avec les acronymes à répétition) pour balancer un jugement hâtif qui ressemble étrangement à un mix de communiqué de presse et de commentaires glanés sur les réseaux sociaux.

…Qui creuse sa propre tombe

Ce n’est pas la crise des recettes publicitaires ni l’essor des youtubeurs qui seront la cause de la mort de la presse spécialisée, mais la médiocrité de son contenu. Quand plusieurs sites en arrivent à proposer des vidéos de déballage de kits de presse, on est en droit de se dire qu’il y a belle lurette qu’on a touché le fond et qu’on a même donné quelques coups de pelle histoire de continuer la descente. La hype agit comme une drogue à laquelle les médias spécialisés seraient accros : elle a beau empoissonner petit à petit le contenu qu’ils proposent, au point d’en rendre les lecteurs malades, il faut toujours augmenter les doses pour qu’elle continue de faire effet. Comment faire oublier qu’il y a peine deux semaines vous déclariez que tel jeu était le meilleur de tous les temps ? Il suffit d’employer des termes encore plus élogieux pour décrire le prochain blockbuster. On essaye de masquer le fait que ce système va droit dans le mur en mettant régulièrement des coups d’accélérateur.

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C’est bien beau de critiquer mais est-ce que j’ai quelque chose à proposer ? Pour commencer je pense que le plus important pour la presse spécialisée serait de freiner pour de bon, d’arrêter d’essayer de suivre l’actualité telle que la dicte les éditeurs pour se trouver son propre tempo. Ça veut dire par exemple ne pas proposer les critiques au plus près du lancement des jeux, prendre le temps de choisir ses sujets, d’y mettre l’angle que l’on souhaite, de remettre les choses dans leur contexte, et surtout oser aller à l’encontre de la doxa. Heureusement, il existe déjà des sites qui assument leurs différences, je pense par exemple à Factornews, Kill Screen ou Merlanfrit, mais ils font encore figure d’exception. Je rêve d’un jour où même les médias de jeux vidéo généralistes se permettront de prendre de la distance avec la vaine agitation qui accompagne la commercialisation des jeux et qu’ils oseront enfin affirmer de véritables choix éditoriaux. Au lieu de ça, dans moins d’un mois, on aura tous droit au cirque habituel qui accompagne l’E3…

Un silence très productif

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Il ne vous a certainement pas échappé que mon blog n’a pas été très actif ces derniers mois. La raison de ce silence est toute simple : je consacre en ce moment toute mon énergie créative au site ExtraLife.fr. C’est un projet qu’on a lancé avec plusieurs anciens collègues, on y parle jeux vidéo et jeux de société de la manière dont on avait toujours rêvé de le faire. Bref, je vais faire court : je reviendrai certainement sur ce blog un jour ou l’autre pour vous parler bouquins, BD ou pour vous faire part de mes états d’âme, mais en attendant vous pouvez me retrouver de manière très régulière sur ExtraLife.fr. Si ce n’est pas déjà fait, j’espère que vous viendrez jeter un œil à notre bébé !

De la difficulté à caser Bloodborne dans une boîte

boitemoutonBloodborne a déjà fait couler beaucoup d’encre. Entre les polémistes qui ont pris pour cible sa difficulté soit-disant excessive et ceux qui cherchent à surfer sur le buzz généré par le titre (les deux postures n’étant d’ailleurs pas forcément antinomiques), on a presque frôlé l’indigestion. Pourtant, dans ce flot de commentaires, on a finalement assez peu entendu la voix des fans des précédentes productions From Software. Ils avaient pourtant des choses à dire, d’ailleurs une partie d’entre eux affichaient une certaine déception après avoir terminé leur premier run. Ces derniers reprochent au jeu d’être un peu moins profond et de proposer moins de contenu qu’un Demon’s Souls ou qu’un Dark Souls. Leurs remarques ne sont pas dénuées de bon sens mais elles partent d’un postulat auquel je n’adhère pas : ils considèrent Bloodborne comme la suite spirituelle des Souls, alors que je préfère l’aborder comme une expérience radicalement différente.

Le jeu des sept différences appliqué au gameplay

wonderwomenSi les univers de Demon’s Souls et des Dark Souls n’entretiennent pas de liens évidents, on peut toutefois noter une certaine cohérence dans leur façon de nous dépeindre un monde médiéval fantastique totalement désespéré et en proie au chaos. Ajoutez à cela des similitudes évidentes en terme de gameplay et vous comprendrez qu’on se retrouve généralement à caser le tout dans une seule et même série. La tentation était forte de faire de Bloodborne l’héritier de cette lignée. Le dernier né de From Software nous plonge dans une autre ambiance puisqu’on évolue cette fois dans un décor victorien se voulant un peu plus moderne. Il n’empêche qu’on retrouve bon nombre d’éléments rappelant les Souls, telles que des fonctionnalités online plutôt originales, un apprentissage qui passe par le fil de l’épée et par l’observation, un level-design labyrinthique… Il n’en fallait pas plus pour qu’à la suite de ses prédécesseurs, Bloodborne soit lui aussi catégorisé comme un action-RPG. Cette étiquette correspond assez bien aux Souls mais on peut se demander si elle est vraiment pertinente concernant Bloodborne. Par bien des aspects, ce dernier s’apparente davantage à un beat’em all en monde ouvert : non seulement l’aspect purement roleplay perd en importance (les quêtes se font rares, la feuille de personnage s’est allégée, les serments sont minimisés…), mais surtout le rythme a été modifié, comme si on lui avait donné un grand coup d’accélérateur. Il en résulte une expérience radicalement différente : là où un Souls valorisait la prudence, Bloodborne va plutôt récompenser l’audace et la nervosité. On est très loin du jeu de rôle à papa qui simulait des lancés de dés, mais on n’est pas non plus du côté des beat’em all qui se contentent de vous faire suivre une voie déjà tracée. Le jeu innove, s’extrait des schémas traditionnels pour créer sa propre catégorie, et c’est bien là toute sa force.

La prime à l’originalité

diffLa réussite commerciale de Bloodborne est loin d’être passée inaperçue. Vous pouvez mettre ça sur le compte de la hype qui a entouré la sortie du titre, il n’empêche qu’il s’agit là d’un blockbuster particulièrement original. Alors que les grosses productions du secteur nous laissent de plus en plus cette étrange impression de déjà-joué, le dernier rejeton de From Software se montre tellement particulier qu’on peine à le ranger sagement dans une typologie préétablie. Si le jeu a été qualifié d’extrêmement difficile par certains, c’est moins parce qu’il requiert une habileté hors du commun que parce qu’il casse les habitudes de jeu (on pourrait d’ailleurs étendre cette remarque aux Souls). Plutôt que de brosser les joueurs dans le même sens que l’ensemble de la production, il préfère miser sur leur curiosité et sur leur envie d’apprendre quitte à en perdre quelques uns en route. Au delà du fait qu’il s’agisse là d’un bon point pour le jeu lui-même, c’est une optique plutôt encourageante pour l’évolution du jeu vidéo en général. Traitez moi de naïf, mais j’ai l’espoir que le tassement des ventes des AAA stéréotypés couplé au succès de jeux originaux finira tôt ou tard par entraîner une évolution de la position des éditeurs sur la question de l’innovation et de la prise de risque. Je rêve tout haut qu’Ubisoft arrête de décliner à toutes les sauces sa formule « monde ouvert criblé de quêtes annexes inintéressantes », qu’EA et Activision proposent autre chose que des suites… Quand je vois les convoitises que suscitent désormais certains projets indépendants, je me dis que même les rêves les plus fous sont permis.

Se frotter aux frontières du jeu vidéo pour mieux le cerner

hamletaupadUn ami maçon un brin masochiste avait coutume de dire que c’est en se frottant aux murs d’une maison qu’on appréhende son espace de la manière la plus intime (surtout si les murs en question sont crépis…). Si l’application purement pratique de cet adage a de quoi laisser sceptique, il faut reconnaître qu’il s’adapte plutôt bien aux notions que l’on utilise tous les jours sans forcément se questionner sur leur signification profonde. Vous pensez par exemple que le terme de jeu vidéo est transparent et que sa définition va de soi ? Dans ce cas là, je vous propose pour commencer d’aller faire un tour du côté du bouquin de Mathieu Triclot histoire d’avoir un aperçu de la difficulté qu’il y a à cerner ce loisir. Pour ma part, un expérience récente m’a poussé à remettre sur le tapis cette fameuse question de la définition du jeu vidéo : c’est en découvrant un titre vraiment atypique répondant au nom de Cylne que je me suis demandé si ce dernier pouvait réellement être qualifié de jeu vidéo.

Ces non-jeux qui se montrent plus utiles qu’agréables

leconsdecuisineJ’avais déjà eu l’occasion de me frotter aux limites de la notion de jeu vidéo. On m’a par exemple mis entre les mains pas mal de programmes de coaching qui empruntaient des codes issus de la culture vidéoludique et qui sortaient même sur console. La Nintendo DS en particulier a vu débarquer une ribambelle de softs destinés à apprendre à cuisiner, à faire de l’exercice ou même à arrêter de fumer. Dans ces cas là, le doute n’était pas permis, nous n’avions clairement pas affaire à des jeux vidéo mais bien à des logiciels purement utilitaires (quoique pas nécessairement très utiles…). Prenons l’exemple d’un guide de jardinage, il ne lui suffit pas de débarquer sur une console portable pour devenir comme par magie un jeu vidéo. Même si la forme est un peu plus interactive que celle d’un livre papier classique, on est à mille lieues du jeu quelle que soit la définition qu’on en donne. Il faudrait certainement creuser du côté des serious games pour finalement mettre le doigt sur ce point de bascule à partir duquel on passe du non-jeu au jeu, mais on s’éloignerait alors du sujet qui m’intéresse dans l’immédiat. Je préfère porter mon regard vers ces titres qui brouillent les pistes en s’évertuant à faire voler en éclats les repères qui balisent habituellement nos expériences de joueur.

Introduire un peu de jeu dans les codes du genre

dearestherSi le marché du jeu vidéo est indéniablement dominé par des productions stéréotypées, il existe heureusement toute une panoplie de titres un peu plus confidentiels qui se permettent d’innover. Il faut bien reconnaître que, même dans leur variété, la plupart des titres AAA se servent de la violence comme moteur principal de leur processus narratif (à l’exception notable des jeux de sport qui de toutes façons s’embarrassent rarement d’une narration). En lorgnant du côté des jeux d’aventure, on trouve bien entendu des softs un peu plus pacifistes. Les point’n click se basent essentiellement sur des énigmes et pourtant personne n’oserait douter qu’il s’agit là de jeux vidéo. La raison en est simple, qu’il résolve des puzzles ou qu’il mène des conversations avec des PNJ, l’utilisateur est toujours dans l’action ; la chose est un peu moins évidente lorsqu’on s’intéresse à des titres qui misent sur la passivité du joueur. C’est le cas par exemple de Dear Esther qui nous propose d’explorer une île déserte et de découvrir petit à petit un récit épistolaire qui tient lieu de fil narratif. Le titre bouscule tellement les codes habituels que certains ont du mal à le reconnaître comme un jeu vidéo. Cette réaction peut être encore plus épidermique face à des softs comme Proteus qui ne s’encombrent même pas d’un semblant de scénario. Je vous recommande à ce sujet la lecture d’un article très intéressant signé Oscar Barda, il y revient en détails sur ce qu’il appelle le « juste-marchisme », c’est à dire ces jeux dans lesquels la seule interaction possible est de déambuler dans les décors. J’espère que ce papier vous convaincra que nous avons là bien affaire à des jeux vidéo, que cette déambulation peut parfaitement être un but en soi, un jeu d’esprit qui prend la forme d’une rêverie. Mais il reste certains titres qui ne se contentent pas de poursuivre un simple idéal contemplatif, c’est concernant ces derniers que la question de la frontière du jeu vidéo m’a de nouveau sauté au visage.

Quand l’expérience s’efface au profit de la trace qu’elle a laissé

cylneCertains titres ne prennent en effet pas la peine de nous choyer, non contents de mettre à mal les codes habituels du jeu vidéo, ils se permettent même parfois de briser l’ultime tabou et de passer outre l’injonction du plaisir immédiat. C’est en quelque sorte le dernier verrou qui saute : peut-on encore parler de jeu vidéo devant une production Tale of Tales comme The Graveyard qui nous propose de diriger une vieille dame qui clopine dans un cimetière ? Comme je vous le disais, le dernier titre en date qui m’a conduit à me questionner ainsi se prénomme Cylne, et son créateur le définit comme un jeu d’exploration surréaliste à la première personne qui prend la forme d’une collection de poèmes visuels. Si l’aspect plutôt onirique de certains environnements permettent de retrouver une forme de plaisir contemplatif, d’autres sont au contraire assez sombres, voire angoissants et ne sont clairement pas pensés pour apporter une satisfaction immédiate mais plutôt pour nous donner du grain à moudre en explorant notamment la notion de liberté. Mon premier réflexe a donc été de classer un peu rapidement ce soft comme un non-jeu, plutôt comme un manifeste artistique appelant à déconstruire nos cadres de pensée habituels. C’est seulement rétrospectivement, une fois que ce message a tranquillement trouvé son chemin en moi, que j’ai pu réellement profiter du titre et y voir un jeu d’esprit. Aussi étrange que cela puisse paraître, ici ce qui fait jeu à mes yeux est moins l’expérience en elle-même que la trace qu’elle a laissé en moi. C’est une approche que je comparerais à ma découverte du yoga ou du taï-chi : dans les deux cas, ce sont moins les exercices physiques qui m’intéressent que la disposition dans lequel ils me mettent, que la trace qu’ils laissent dans tout mon corps. C’est un peu la même chose avec Cylne et les productions Tale of Tales, je les reconnais désormais comme des jeux non pas parce qu’ils me divertissent le temps de la pratique, mais plutôt par leur façon de déposer en moi leurs éléments ludiques, des éléments capables de se recomposer pour créer de multiples jeux d’esprit. C’est amusant de remarquer que ces titres qui semblent à première vue prôner une certaine passivité du joueur, demandent finalement de sa part une implication particulièrement poussée.

Tout ce qui se passe en press tour reste-t-il en press tour ?

Tel un vieux serpent de mer qui refait régulièrement surface, la question des press tours dans le journalisme spécialisé revient encore et toujours sur le tapis. La nouvelle soit-disant polémique concerne une photo prise au Japon en marge d’une visite du studio From Software à qui l’on doit Bloodborne, la prochaine grosse exclusivité PS4 qui sortira d’ici quelques jours. Je reviendrai sur ce fameux cliché, mais je profite d’abord de l’occasion pour faire le point sur ma propre expérience de ces intrigants voyages organisés.

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Je pense que la réaction la plus courante dans le milieu du journalisme vidéoludique est de reconnaître qu’il s’agit là de moments privilégiés pour les éditeurs qui défendent leurs produits, mais que bien entendu les journalistes qui sont la cible de ces tentatives de séduction font parler leur expérience et leur professionnalisme pour déjouer les pièges du marketing. C’est un discours qui s’applique à d’autres domaines : vous avez bien un ou deux amis qui vous ont déjà certifié, la main sur le cœur, qu’ils pouvaient se gaver de publicités à la télé, à la radio, sur le net, sur les panneaux d’affichage, mais que ce matraquage n’avait aucune incidence sur leur façon de consommer. C’est bien connu, les annonceurs sont de grands philanthropes qui dépensent sans compter afin d’égayer notre quotidien et de soutenir toutes les formes de production culturelle… Bref, à mon avis il ne faut pas se leurrer, les press tours (et plus globalement tous les processus de communication) ont forcément une influence sur le travail journalistique, reste à l’identifier pour mieux la circonscrire.

A la découverte des paillettes

Vous n’êtes pas sans savoir que jeuxvidéo.com était jusqu’à très récemment situé dans le Cantal. Pour des raisons logistiques assez évidentes, les membres permanents de la rédaction partaient assez rarement en press tour, cette lourde tâche était généralement laissée aux différents pigistes. Pour ma part, j’ai réalisé mes premiers déplacements un peu moins de deux ans après mon embauche, et c’était réellement une découverte d’un pan du métier que je ne soupçonnais pas. Ma toute première fois m’a forcément laissé un souvenir impérissable : il s’agissait de mon premier voyage au Japon, un pays qui me faisait fantasmer depuis belle lurette, et j’y allais pour assister à l’annonce d’un jeu estampillé PlatinumGames, un studio dont je vénérais déjà le travail.

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Je suis forcément revenu avec des étoiles plein les yeux, mais quelques mois plus tard, à l’heure du test, je n’ai pas pu faire l’économie d’un petit examen de conscience. J’ai sincèrement adoré Vanquish, puisque c’est de lui qu’il s’agit, mais je ne pouvais pas m’empêcher de me demander si ce fameux press tour ne venait pas fausser mon jugement, s’il ne pesait pas dans la balance, même de manière inconsciente. Je me suis donc forcé à autopsier ce qui constituait pour moi les qualités objectives du titre, en l’occurrence un gameplay nerveux et exigeant qui entraîne le joueur à avoir constamment la sensation de se surpasser. Pas de doute, c’est typiquement là un jeu duquel je serai tombé raide dingue quelles que soient les circonstances, mais je ne peux pas pour autant nier que la façon dont j’ai fait sa connaissance a joué sur le capital sympathie qu’il m’inspirait.

Toujours se méfier des donneurs de leçons

Cette première expérience m’a donc fait longuement cogiter. Je ne vais pas vous mentir, elle ne m’a pas du tout fait passer l’envie de participer à ces fameux press tours. J’ai toujours accueilli ces déplacements comme des respirations dans mon train-train quotidien, comme des parenthèses me donnant l’occasion d’entrevoir l’envers du décors et de faire la rencontre de confrères. Ça peut sembler bête, mais dans le Cantal on a rarement l’occasion de partager des points de vue et de parler méthodologie avec d’autres journalistes spécialisés dans le jeu vidéo. Je ne vais pas vous le cacher, le choc de culture qui résultait de ces prises de contact était parfois violent. J’ai découvert petit à petit un microcosme soigneusement structuré avec ses ragots, ses figures incontournables et ses légendes. J’ai croisé de véritables perles, de ces gens qu’on peut même finir par prendre comme modèles professionnels, mais j’ai aussi côtoyé quelques individus dont je ne partage pas les valeurs.

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J’ai reçu la plus grande claque à ce sujet lors du press tour le plus luxueux auquel il m’a été donné de participer. Il s’agissait d’un tour d’horizon complet du line-up de Namco Bandaï qui avait invité la presse pour l’occasion dans un superbe hôtel à Dubaï. Le rythme des présentations ne nous laissait pas vraiment le temps de profiter des différentes commodités de l’établissement, mais certains confrères ne se gênaient pas pour faire l’école buissonnière le temps d’aller piquer une tête. C’est justement l’un de ces adeptes de l’absentéisme qui termina de briser les rêves que je pouvais encore avoir concernant notre job. Le mec se permettait de cracher ouvertement sur le boulot que je faisais au quotidien, de me faire de grandes leçons d’éthique journalistique, alors qu’il était tranquillement là, sous le soleil de Dubaï, un verre de champagne à la main, à afficher tout le mépris que lui inspiraient les jeux mis en avant pendant cet event. J’ai alors compris que le fait d’invoquer la morale pouvait parfois n’être qu’une posture, une forme de pensée un peu populiste qui permet à la fois de se donner bonne conscience et de passer pour un chevalier blanc auprès des crédules. La personne en question continue de dispenser de temps à autre sa bonne parole, elle se pense certainement sincère, moi je ne peux pas m’empêcher d’y voir une forme de calcul permettant de se donner le beau rôle à peu de frais.

L’information au bout des petits-fours

C’est bien beau de profiter des press tours pour connaître un peu mieux ses confrères, mais vous me direz à juste titre que la véritable question est de savoir si oui ou non on en revient avec des informations intéressantes à transmettre au public. Cette interrogation est d’autant plus légitime lorsqu’il s’agit d’assister à la présentation d’un jeu peu de temps avant sa sortie. Sachez que c’est souvent une occasion privilégiée pour essayer les différentes fonctionnalités multijoueur dans de meilleures conditions que lors du test à proprement parler. Certes, on ne peut pas juger ainsi de la stabilité des serveurs ni des éventuels problèmes de matchmaking, mais on peut décortiquer en profondeur les modes de jeu, les maps, voire les petites subtilités qui font parfois toute l’originalité d’un titre. Au delà de cet aspect purement pratique, le fait de rencontrer les développeurs permet aussi d’aller un peu plus loin dans la compréhension de leur démarche et de fournir idéalement une critique plus constructive.

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Je donnerai ainsi l’exemple de mon dernier déplacement qui m’a amené à visiter le studio Guerrilla peu de temps avant l’arrivée de Killzone Shadow Fall. Je précise aussi que j’ai été l’un des rares défenseurs de ce jeu, ce qui pourrait a priori accréditer la thèse selon laquelle ce press tour a influencé mon jugement. Je me suis forcément posé cette question et j’en suis arrivé à cette conclusion : la rencontre avec les développeurs n’était pas anodine, elle m’a permis de comprendre quelles étaient leurs intentions derrière les évolution qu’ils ont apportées à la série. J’avais apprécié les trois premiers épisodes comme de bons FPS pop-corn, mais le manque de réflexion et de prise de distance vis à vis du conflit qui oppose les Vectans et les Helghasts m’avait toujours gêné. Avec Shadow Fall, on découvre un gameplay rendu plus stratégique par l’utilisation du drone et par un level-design moins étriqué, et surtout un scénario qui explose le manichéisme habituel pour nous proposer une vision contrastée et complexe de la guerre. Forcément, le rythme général en pâtit, mais la direction vers laquelle les développeurs voulaient amener la licence correspondait parfaitement à mes attentes de joueur. A mes yeux, et mon opinion à ce sujet n’a pas changé, la série a incroyablement gagné en maturité avec Shadow Fall. Le problème, car mon test a visiblement posé problème, ne vient pas du press tour, mais du fait que l’argumentation déployée dans mon article ne s’appuie pas suffisamment sur les informations que j’avais pu glaner à l’occasion de ce déplacement. Finalement, je m’étais peut-être un peu trop enfermé dans le carcan du test classique et n’avais pas assez ouvert la porte aux interprétations qui m’ont permis de réellement apprécier le jeu. Mais vient alors une autre question, reste-t-on dans le rôle de journaliste lorsque l’on quitte l’analyse factuelle pour s’engager sur le chemin de l’interprétation personnelle ?

Interdit de photo !

Après cette belle interrogation qui restera pour l’instant sans réponse, je vais quand même revenir sur la fameuse photo qui a tellement fait parler d’elle ce week-end. On y voit des journalistes issus de divers sites spécialisés trinquer joyeusement en compagnie d’un représentant de Sony. Le cliché a été pris en marge d’un voyage de presse dédié à BloodBorne, il a été posté sur le compte Twitter de Julien Chièze, le rédacteur en chef de Gameblog présent sur la photo, puis repris par la plupart des comptes officiels des médias présents à l’événement. Ma première réaction en tombant sur cette image a été de me dire que les différents protagonistes de cette soirée ressemblaient un peu à des animaux égarés dans la nuit et pris dans les phares d’une voiture, mais visiblement ça vient de mon cruel manque d’expérience dans l’art du selfie. De toutes façons, ce n’est pas la qualité de la photographie qui a fait débat, mais plutôt le fait qu’on y voit à la même table ExServ, l’un des rédacteurs de Gamekult, et le désormais fameux Julien Chièze. Vous ne voyez pas où est le problème ? Pourtant, d’après le rédacteur en chef de Gamekult, il y en a un. En réponse aux différentes remarques qui fusaient concernant ce cliché, Yukishiro s’est en effet fendu d’un long message explicatif sur ses forums. Dans une première version du post, il regrettait explicitement que l’un de ses collaborateurs apparaisse sur un cliché en compagnie de Julien Chièze. Précisons tout de même que ce message a ensuite été édité afin d’évacuer toute référence à Gameblog, et ce bien avant que le site en question ne mette en ligne sa propre réaction indignée.

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Je n’ai aucune envie de rentrer dans une guéguerre qui ne me regarde pas, mais deux points me font forcément réagir. Dans un premier temps, en tant que lecteur régulier de Gamekult, je suis attristé de constater que son rédacteur en chef se sente obligé de se justifier pour une photo qui n’a rien de compromettant. Si ce site me plait, ce n’est pas parce que je trouve que les journalistes qui y bossent sont badass (quoique je ne cracherai pas sur un cliché de Boulapoire avec un collier à pointes…), c’est plutôt parce qu’il propose une offre éditoriale différente de celle de Gameblog, qu’il privilégie généralement le fond sur la forme. On peut saluer l’effort de transparence de Yukishiro, mais je pense qu’il a joué contre son camp en orientant malgré lui le débat sur la question de la communication et de l’image plutôt que sur celle du contenu. L’autre point qui m’a davantage énervé tient à la diabolisation systématique de la personne de Julien Chièze. Je ne suis pas client de son travail ni de l’offre éditoriale globale de Gameblog, mais ce n’est pas pour autant que je le traiterai comme un pestiféré. J’irai même plus loin en considérant que le fait de concentrer les attaques sur sa personne et d’en faire le symbole de la collusion entre journalistes et éditeurs est contre-productif. C’est une dénonciation facile qui dédouane du coup les autres médias en focalisant l’attention sur un seul individu qui deviendrait infréquentable. On ne perd pas son intégrité comme on attrape la grippe, il ne suffit pas d’éviter de serrer des paluches pour s’en prémunir…

La philosophie des jeux vidéo, un essai incontournable pour analyser cette pratique

gastonMon mode de vie actuel présente au moins le mérite de me laisser pas mal de temps libre. Du temps pour cuisiner, pour jouer, pour rêver, mais aussi du temps pour lire. Durant ces dernières années, j’ai méticuleusement accumulé les bouquins qui me faisaient de l’œil et je me retrouve maintenant avec une pile conséquente dans laquelle je tape régulièrement. Si quelques déceptions ont pointé le bout de leur nez, je suis le plus souvent honteux de ne pas avoir accordé d’attention un peu plus tôt à ces trésors qui roupillaient au fond de ma bibliothèque. C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne le dernier livre que j’ai repêché, Philosophie des jeux vidéo : non seulement son sujet avait toutes les raisons de m’emballer, mais je dois avouer que j’ai aussi une sympathie pour l’auteur de cet essai, Mathieu Triclot, qui a été l’un de mes professeurs de philosophie à une époque où nous étions tous les deux un peu moins barbus…

Le joueur n’est pas tout à fait un alien

alf2La plus grande force de cet ouvrage est certainement d’avoir été rédigé par un joueur. A la différence de certains philosophes prompts à juger une culture qu’ils ne connaissent pas, Mathieu Triclot nous parle de la pratique des jeux vidéo en connaissance de cause et il l’assume. Son point de départ n’est pas de prendre le jeu comme un objet extérieur qui pourrait être analysé froidement ainsi que l’idéalisent le courant des game studies, il plaide plutôt pour des play studies qui mettraient la notion d’expérience au cœur de leurs réflexions. On pourrait croire que c’est un détail épistémologique, mais c’est au contraire ce qui donne à ses propos une incroyable justesse et qui a fait vibrer mon petit cœur d’ancien étudiant en sociologie. Quand Mathieu Triclot nous décrit les différentes sortes de jeu, qu’il revisite et dépoussière la fameuse typologie de Roger Caillois, il ne le fait pas en se basant sur de vagues descriptions livresques qui pourraient, comme je l’ai déjà vu, assimiler les casse-briques à des « jeux de massacre »… Non, il part de l’expérience, du ressenti, pour dérouler ensuite une analyse riche et méthodique qui vient circonscrire la notion de jeu vidéo malgré son aspect protéiforme.

L’histoire des jeux vidéo au service d’une réflexion sur leur nature

socrateIl faut reconnaître qu’il use d’une petite astuce afin de balayer l’éventail incroyablement large des jeux existants : il fait mine de s’appuyer sur l’histoire de leur diffusion pour mieux les comprendre. Quiconque a déjà ouvert un bouquin consacré de près ou de loin aux jeux vidéo sait que la fresque historique constitue une sorte de passage obligé, une épopée incontournable faite de success stories et d’échecs cinglants. Ce n’est pas forcément désagréable à lire mais on finit tout de même par avoir l’impression de retrouver un recyclage des mêmes anecdotes qui perdent petit à petit de leur fraîcheur… Heureusement, Mathieu Triclot évite de s’enfermer dans la chronique gratuite, ici le passage par la case historique n’est finalement qu’un détour pour mieux décortiquer les particularités des jeux, pour mettre en évidence les traces contemporaines de ces évolutions passées. Leurs débuts dans le monde universitaire ? C’est l’occasion de s’interroger sur la nature des jeux PC actuels et d’y déceler une propension à la simulation et à l’exploration, et des formes narratives propres. Le boom de l’arcade ? C’est la recherche effrénée du vertige que tous les amateurs de shoot’em up connaissent bien. L’arrivée de la console dans le salon ? C’est un point de départ intéressant pour attaquer la notion d’ouverture et de clôture au sein du jeu et de l’espace qu’il déploie… A chaque fois, c’est une nouvelle occasion d’aborder une facette de ce qui pourrait constituer une ontologie du jeu vidéo. Mathieu Triclot ne donne pas forcément de réponses au goût de certitudes bien définitives, mais il ouvre une foule de possibles, comme autant de fenêtres qui nous donnent un point de vue différent sur ce loisir si difficile à analyser.

Un brassage de références qui ouvre différents angles d’attaque

philosophie_des_jeux_videoCette Philosophie des jeux vidéo se prête à plusieurs lectures possibles. Le joueur un peu curieux y trouvera de quoi se creuser gentiment la tête, mais c’est sans doute l’étudiant en sciences humaines ou sociales qui sera le plus comblé. Je dirai même que c’est un incontournable pour tous ceux qui souhaiteraient se lancer dans des travaux universitaires sur la question : Mathieu Triclot ouvre des chemins, autant de pistes qui pourraient facilement donner lieu à elles seules à de superbes sujets d’études. Qui plus est, il bouscule les habitudes de chapelle, brasse les références, passant habilement d’un Winnicott à un Leibniz ou à un Adorno, permettant finalement au lecteur de piocher de quoi nourrir sa propre réflexion quelle que soit sa discipline de prédilection. Histoire de ne rien gâcher, il fait tout ça au fil d’une belle plume et se permet même quelques envolées lyriques aussi bienvenues qu’inattendues. Cette écriture très personnelle trimballe quelques étrangetés (on se demande un peu ce que l’auteur reproche à Mirror’s Edge par exemple…), mais globalement cette Philosophie des jeux vidéo est un délice pour l’esprit qui ne manquera pas de vous faire cogiter sur votre propre rapport à ce média atypique.

Si vous voulez aller plus loin je vous invite bien entendu à lire Philosophie des jeux vidéo, mais vous n’êtes pas obligés de me croire sur parole quand je vous chante les louanges de cet ouvrage, vous pouvez y jeter un œil sur le site des éditions Zones. Histoire de creuser encore davantage, vous pouvez même dévorer cette interview vraiment intéressante que Mathieu Triclot avait donné à Merlanfrit peu de temps après la sortie du bouquin.

La Wii U ou la redécouverte du plaisir de jouer

drmarioOn a tous des façons différentes de gérer nos petits moments de déprime. Certains se gavent de chocolat tandis que d’autres se mettent à la boxe ou décident de sortir de chez eux dans le plus simple appareil (je vous le déconseille en plein hiver lorsque vous vivez dans le Cantal…). Ça ne vous étonnera certainement pas, les jeux vidéo constituent mes antidépresseurs de prédilection. D’ailleurs, en prenant un peu de recul, je me rends compte que l’acquisition de nouvelles machines s’est souvent faite à des tournants de ma vie. Je le reconnais, je suis loin d’être imperméable au consumérisme ambiant et je décharge une partie de mes frustrations dans l’acte d’achat. Mais le fait de craquer pour une console ou pour un PC plus puissant ne se limite pas à l’assouvissement d’une pulsion, je le vois toujours comme la promesse de nouveaux horizons. En l’occurrence, ma toute nouvelle Wii U me donne l’occasion de renouer avec le plaisir simple de jouer sans arrière pensée.

nintendos-satoru-iwata-bananaC’est bête à dire, mais ce n’est pas toujours évident de ménager son plaisir lorsque le fait de jouer est partie intégrante de son travail. Attention, je ne me plains pas, je pointe juste du doigt le fait qu’on entre alors dans une posture critique difficile à quitter et que le jeu perd du même coup un peu de sa fraîcheur. C’est sans doute ce processus qui donne parfois aux journalistes spécialisés un air vaguement blasé… Pour ma part, ça a dû influencer ma première impression concernant la Wii U : pas de magie ni d’étoiles qui dansent devant devant mes yeux, j’y ai d’abord vu une accumulation d’énormes erreurs de communication de Nintendo, puis une machine techniquement faiblarde au catalogue affreusement limité. Bref, l’affaire était entendue, Big N ne m’aurait pas cette fois-ci !

zelda-wiiIl a fallu l’annonce puis la sortie de Bayonetta 2 pour que mes certitudes prennent l’eau. La Wii U n’accueille peut-être pas énormément de titres, mais on y trouve quand même quelques exclusivités qui me font méchamment de l’œil. Je suis faible, j’ai finalement craqué devant un trailer du prochain Zelda : le doute n’était plus permis, j’allais de toutes façons me l’offrir un jour ou l’autre, autant passer à la caisse rapidement. Je ne regrette pas mon geste, bien au contraire, je retrouve l’excitation du multi local avec Mario Kart 8, je m’éclate comme un petit fou avec Bayonetta 2 et j’ai même ressorti les jeux Wii que je n’avais pas eu le temps de terminer. C’est justement en bouclant Mario Galaxy 2 que je me suis incliné face à ma console pour lui présenter toutes mes excuses. Mes railleries répétées révélaient finalement que j’avais perdu de vue l’essentiel, car comme le disait un grand philosophe caoutchouté, « sans maîtrise du game design, la puissance n’est rien ». Avec ma Wii U, j’ai un peu l’impression de redevenir un gosse, et rien que pour ça, je veux bien avaler toutes les bananes que me proposera Mr Iwata.

Geometry Wars 3 : le retour du néon

Geometry Wars³: Dimensions_20141130192441L’histoire de la licence Geometry Wars est pour le moins atypique, c’est celle d’un succès aussi inattendu qu’inespéré. Développé à l’origine comme une démo technique qui ne devait pas sortir des murs de Bizarre Creations, le concept de base se glisse finalement entre les mailles du filet et trouve une place en tant que mini-jeu dans Project Gotham Racing 2. Ce n’est qu’un début puisque ce twin stick shooter minimaliste va ensuite accéder au rang de jeu à part entière et va même devenir le premier vrai succès du XBLA. Plusieurs suites ou adaptations ont vu le jour, mais le chef d’œuvre de la série est incontestablement le fameux Geometry Wars : Retro Evolved 2 sorti en 2008 sur le XBLA. Je peux vous assurer que j’ai littéralement poli la gomme de mes sticks sur 360 à force de jouer à ce titre ! Comme tous les fans de la licence, c’est le cœur serré que j’ai appris la nouvelle de la fermeture de Bizarre Creations en 2011. L’affaire paraissait entendue, il n’y aurait certainement plus de Geometry Wars… Vous imaginez bien que dans ces conditions l’annonce d’un troisième opus m’a fait sauter de joie. Je ne me suis pas fait prier pour le télécharger le jour de son lancement, et, comme j’ai un petit côté vieux con, j’ai commencé par mettre de côté les nouveautés pour me jeter sur les modes classiques.

Les habitudes ont la vie dure

Geometry Wars³: Dimensions_20141130185836J’ai bien conscience que c’est un réflexe un peu bête, mais je n’ai pas pu m’empêcher de me ruer tout d’abord sur le mode Temps Limité qui a toujours été mon chouchou. Le principe est simple, vous avez trois minutes devant vous et plus vous explosez d’ennemis, plus il en vient… Le tout étant de maximiser son multiplicateur de score en récoltant les petites gemmes laissées par les ennemis, d’utiliser intelligemment le peu de bombes à disposition et surtout d’éviter de mourir. Première déconvenue, la musique a été remise au goût du jour et n’est plus signée Chris Chudley. Le nouveau son n’est pas désagréable mais il lui manque quand même un petit quelque chose. Ensuite on se rend vite compte que quelques mécaniques de jeu ont été légèrement modifiées : on dit par exemple adieu aux bombes bonus liées au score. Ce qui m’a le plus perturbé c’est l’impression que la taille de l’arène a été réduite, et surtout qu’elle se présente à nous avec un effet de perspective plutôt étrange. Bref, je dois l’avouer, j’ai d’abord été plutôt décontenancé de ne pas retrouver mes habitudes, et mon plus gros reproche concerne le manque général de lisibilité.

Prête-moi tes yeux, j’ai cramé les miens

Geometry Wars³: Dimensions_20141201102349Parmi les petites modifications effectuées, il y en a au moins une qui partait d’une très bonne intention : désormais les ennemis débarquent un peu plus doucement, ce qui devrait permettre d’anticiper leur arrivée et de limiter les effets du hasard. Ils signalent leur point de chute à l’aide d’un petit halo lumineux, seulement voilà, l’écran devient particulièrement difficile à déchiffrer lorsque ces saletés se pointent en masse… De manière générale ce Geometry Wars 3 : Dimensions est gourmand en effets visuels de toutes sortes, on comprend que le but est de nous en mettre plein les yeux mais la lisibilité en prend malheureusement un coup. C’est d’autant plus vrai lorsque l’on aborde la grande nouveauté de cet épisode : les arènes en volume. D’autres shoot’em up avaient déjà ouvert la voie, on pense bien entendu à la série des Stardust ou plus récemment aux Nano Assault, mais dans le cas de Geometry Wars 3 le tout est enrobé dans un mode Aventure qui n’est pas sans rappeler un certain mode Séquence… Ici nous avons 50 tableaux que l’on doit réaliser dans l’ordre mais sur lesquels on peut revenir individuellement pour essayer de scorer. Si l’apport de la troisième dimensions a de quoi perturber les habitués de la série, c’est finalement surtout l’ajout d’un drone à nos côtés qui finit de chambouler nos repères visuels. Personnellement, j’ai d’abord pesté contre ce dernier que je prenais régulièrement pour un ennemi, avant de me rendre compte de toutes les options tactiques qu’il apportait.

L’art de bien préparer son fix

Geometry Wars³: Dimensions_20141201102141C’est un fait, pour apprécier Geometry Wars 3 à sa juste valeur, il faut en partie oublier ses prédécesseurs et se plier aux nouvelles règles du jeu. Une fois qu’on a débloqué puis upgradé les différents drones disponibles et leurs super attaques, le mode Aventure prend en effet une toute nouvelle saveur. Il vous faudra constamment faire le bon choix en débutant un tableau. Vous avez un temps limité ? Le drone qui récolte les multiplicateurs de points pour vous vous permettra d’exploser votre score. Vous devez faire face à des hordes importantes d’ennemis géométriques ? Le drone tireur pourrait bien vous sortir de situations délicates. Vous devrez souvent tâtonner pour élaborer la tactique adéquate, le jeu prend ainsi une dimension stratégique vraiment intéressante. Il a fallu que je maîtrise un peu cet aspect pour retrouver enfin ce que je cherche dans tout bon shoot’em up : appelez-le comme vous voulez, le blast, l’hypnose ou le trip, mais ce que je cherche dans ce genre de jeu c’est toujours cet état un peu limite, cet oubli de soi qui vous donne l’impression de vous surpasser, ce moment où vos réflexes semblent fonctionner indépendamment de votre conscience. Au risque de passer pour un junkie numérique, c’est précisément cet effet quasi-psychotrope qui fait pour moi tout le sel des shoot’em up (et de certains FPS multi bien nerveux, mais c’est une autre histoire…), il s’agit typiquement de l’Ilinx ou du vertige tel que le décrivait Roger Caillois dans sa célèbre classification des jeux (je reviendrai peut-être un jour plus longuement sur Les jeux et les hommes si j’en ai le courage). Pour ma part, Geometry Wars 3 n’atteint peut-être pas le niveau d’excellence de son prédécesseur, mais il touche à son but. Mon seul regret concerne le fait que je n’ai pas d’amis PSN avec qui me frotter sur ce jeu, vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous cherchez vous-aussi un challenger sur PS4…

The Unfinished Swan nous offre une belle leçon de game design

The-Unfinished-SwanSouvenez-vous, il n’y a pas si longtemps, je râlais sur la mauvaise manie qu’ont certains de qualifier d’indépendants des jeux qui sont pourtant soutenus par de gros éditeurs. Attention, il ne s’agissait pas de critiquer a priori la qualité des productions en question. Je me réjouis au contraire de constater que ces éditeurs bien installés se permettent de donner un coup de pouce à des projets novateurs. Ils viennent en effet rafraîchir une industrie vidéoludique qui a un peu trop tendance à tourner à base de suites et de remakes. Le titre dont je souhaite vous parler aujourd’hui fait justement partie de ces petites perles d’originalité éditées par Sony mais développées par de toutes petites structures, il s’agit de The Unfinished Swan de Giant Sparrow.

Un projet audacieux

The Unfinished Swan_20141121074149A l’origine de ce jeu, on retrouve un projet étudiant plutôt surprenant. La première version (que l’on peut retrouver dans les bonus du soft complet) se présente comme un first person painter, comprenez un jeu à la première personne dans lequel on est invité à repeindre le monde qui nous entoure. Ici il n’est pas question seulement d’ajouter des couleurs au décor comme dans de Blob, mais littéralement de créer une perspective en projetant de la peinture sur les murs. On débute en effet dans une pièce totalement blanche dans laquelle il est impossible de s’orienter. Le fait de balancer des boules de peinture noire permet d’abord de fixer un point de repère, puis de dessiner les murs de ce qui apparait comme un labyrinthe. Le projet de base se limite à la découverte d’un dédale pinceau à la main, on retrouve bien ce concept au début du jeu complet mais ce dernier ne se limite heureusement pas à cette seule idée.

Le plaisir de la découverte toujours renouvelé

The Unfinished Swan_20141121074537The Unfinished Swan nous propose d’incarner un jeune garçon qui vient de perdre sa mère. Cette dernière avait la fâcheuse manie de commencer des toiles et de ne jamais les terminer. C’est justement son cygne inachevé qui vient nous sortir du sommeil et qui nous entraîne dans cet étrange monde entièrement blanc… Ce n’est là que le point de départ et le joueur ne se contente pas de s’amuser avec la peinture noire, l’aventure est très courte mais les mécaniques de jeu et les décors ne cessent jamais d’évoluer. Nous sommes toujours armé seulement d’un beau pinceau magique, mais celui-ci permet tour à tour d’arroser les murs pour y faire pousser une vigne envahissante et drôlement pratique, de ramener un peu de lumière lorsque l’obscurité se fait trop dangereuse ou encore de créer de toute pièce des volumes tenant lieu de plates-formes. Dans tous les cas, la surprise est constamment renouvelée et on prend un vrai plaisir à découvrir une foule d’idées de game design originales au fur et à mesure de la progression.

Un gameplay au service de la narration

The Unfinished Swan_20141121074916La réelle beauté de The Unfinished Swan tient au fait que ces évolutions de gameplay n’arrivent jamais comme un cheveu sur la soupe, elles nous racontent une histoire, un conte qui joue avec nos émotions en nous faisant passer de l’excitation de l’exploration à la crainte de l’inconnu. Finalement, on se retrouve avec un jeu certes trop vite parcouru, mais disposant d’une incroyable densité, il fourmille de trouvailles visuelles et conceptuelles. Bref, n’hésitez pas à découvrir tout cela par vous-mêmes, le titre est sorti initialement sur PS3, mais il est désormais aussi disponible en cross-buy sur Vita et PS4 et ces deux adaptations sont de très bonne facture (je regrette peut-être juste l’absence de cross-save…). Je parie qu’une fois que vous aurez bouclé cette belle histoire vous aurez comme moi hâte de découvrir à quoi ressemblera le prochain projet du studio Giant Sparrow.

ASA, un hommage appuyé à Riven qui ne laisse pas indifférent

asa-reveilLe fait de ne plus être soumis aux turpitudes de l’actualité me permet de découvrir tranquillement des titres que j’avais laissé filer au moment de leur sortie. C’est le cas notamment de ASA : A Space Adventure, un jeu d’aventure qui prend son temps pour nous proposer une expérience qui devrait rappeler quelques souvenirs à tous les nostalgiques de la saga des Myst. Le développeur de ASA ne s’en cache pas, c’est en bonne partie Riven qui lui a servi de source d’inspiration. Mais attention, on ne tombe jamais dans le plagiat, ici on a plutôt affaire à un hommage tout en finesse qui déploie son propre univers et des mécaniques de jeu originales. Au delà du titre en lui-même qui mérite amplement le coup d’œil, c’est aussi le processus créatif par lequel il a pris corps que j’aimerai creuser. En effet ASA est avant tout le bébé d’un passionné, Simon Mesnard, qui a développé cette aventure spatiale quasiment en solitaire.

Le véritable prix de l’indépendance

asa-espaceJe vous vois venir, vous soupirez déjà à l’idée de devoir supporter un nouveau couplet sur la production de jeux indépendants, et vous avez raison de rouspéter. La dénomination « indé » s’est généralisée ces dernières années au point de devenir presque un label censé être synonyme de créativité et d’originalité. Pas de chance, il n’en est rien, et bon nombre de jeux estampillés ainsi ne sont que des clones de titres qui ont déjà fait leurs preuves. Plus grave, des éditeurs bien installés se sont rués sur l’occasion et nous inondent de productions supposément indépendantes mais qui bénéficient en réalité de relais considérables en terme de marketing. Les jeux ainsi édités par Microsoft, Sony ou Ubisoft peuvent être de très bonne qualité, mais ils n’ont plus grand chose d’indépendant. Je regrette aussi que certains commentateurs aient fait leur beurre en surfant sur cette mode tout en se souciant moins de la qualité des productions en question que de la hype qu’elles génèrent… Bref, tout ça pour dire que vous avez beau avoir l’impression d’être constamment bombardés de titres indépendants, les projets les plus personnels et les moins formatés restent le plus souvent loin des feux des projecteurs. C’est pour cette raison que vous n’avez peut-être jamais entendu parler de ASA sorti pourtant en début 2013. A l’origine du projet on trouve un univers que Simon Mesnard a déjà exploré dans un roman (auto-édité) et dans un court-métrage (visible ici même). On y découvre l’Arche, un vaisseau spatial extra-terrestre qui compile toutes les connaissances de l’univers et qui réserve quelques surprises à ses hôtes occasionnels.

Le plaisir de reprendre son crayon et sa gomme

asa-codeSi ASA peut se targuer de plonger le joueur dans une intrigue cohérente et prenante, ce n’est pas pour autant sa seule qualité. Certes les râleurs ne manqueront pas de lui reprocher son look indéniablement old school (le soft est développé avec Adventure Maker et nous propose des déplacements écran par écran) mais finalement c’est un détail qui s’efface rapidement face à l’ingéniosité des différentes énigmes. Les puzzles et autres casse-tête constituent évidemment le cœur du gameplay de ce type de jeu. En l’occurrence, il est assez surprenant de constater qu’un développeur solitaire parvienne à mettre sur pied de meilleures énigmes que des studios qui peuvent compter sur l’appui de grosses équipes. Il faut dire que Simon Mesnard ne s’encombre pas vraiment du dogme du game design moderne qui voudrait que le joueur ne doit pas être mis en situation d’échec. Préparez-vous à vous creuser les méninges et à ressortir de quoi prendre des notes comme au bon vieux temps. Histoire de ne pas frustrer les moins patients, le jeu est proposé avec une solution complète en format texte, mais le fait de la consulter vous privera d’une bonne partie du plaisir. Mieux vaut s’accrocher et trouver les solutions par soi-même car même les puzzles assez complexes s’avèrent finalement tout ce qu’il y a de plus logique.

Le jeu vidéo comme mode d’expression personnelle

asa-forteEncore une fois, ASA est un bon jeu mais il prend une saveur toute particulière lorsque l’on pense qu’il s’agit de l’œuvre d’une seule personne. Ce fameux Simon Mesnard s’est donné tout entier dans ce jeu d’aventure et ça se sent. L’exploration de l’Arche est ainsi parsemée de références plus ou moins directes à ses précédents travaux et à ses différents coups de cœur. C’est la partie émergée de l’iceberg, celle qui est la plus immédiatement visible, mais cette implication a aussi des conséquences plus diffuses. La passion avec laquelle le jeu a été conçu est palpable d’un bout à l’autre de l’aventure, c’est ce qui lui donne son âme et qui fait que le joueur pardonne facilement toutes les petites imperfections. D’ailleurs une partie de ces dernières seront bientôt de l’histoire ancienne puisque ASA : A Space Adventure nous revient pour le début 2015 dans une version remastérisée qui sera disponible en téléchargement sur Steam (pour l’instant le jeu est disponible sur la boutique du collectif The Icehouse auquel Simon Mesnard appartient, et en version téléchargeable sur Desura). Ce n’est pas fini puisque toujours en 2015 nous devrions voir débarquer une suite prénommée Catyph à laquelle j’ai eu la chance de jeter un œil. Autant vous dire que cet aperçu m’a mis l’eau à la bouche et que je suis d’autant plus impatient de découvrir le jeu dans son intégralité.